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La théorie des perspectives

Notes de lecture #26 de "Thinking fast and slow" de Daniel Kahneman, 2011, chapitre 24, Partie 3
 
une tentation qui ne finira pas...

C'est au cours de promenades régulières, dans les montagnes Suisses, que Daniel Kahneman et Amos Tversky élaborèrent la théorie des perspectives (marcher semble-t-il fait réfléchir).  Ils discutaient des conditions influençant la prise de risque.  En pensée, ils expérimentèrent plusieurs scénarii de prise de décisions. Ils se rendirent compte que lorsque l'enjeu du pari était présenté sous forme de gain, ils aimaient prendre plus de risque que nécessaire ; et au contraire, lorsque le même pari était énoncé en mettant en avant les pertes, ils prenaient rarement assez de risque.


Une théorie en trois pas

Ils modélisèrent la prise de décision en situation incertaine, celons les trois critères suivants:
  1. Un point de référence:  la perception d'un gain ou d'une perte se fait toujours par rapport à un point de référence.  Le point de référence est souvent le statu quo.  Mais ça peut être une attente que l'on estime légitime.   Par exemple, une augmentation de salaire équivalente à celle d'un collègue ayant les mêmes expériences et compétences.
  2. La sensibilité au changement.  Cette sensibilité diminue  lorsque la quantité monétaire augmente:  L'idée est celle de la théorie de l'attente morale de Bernoulli.   Une augmentation de capital d'un million € sera moins impressionnante, si l'on a un capital de dix millions plutôt que de deux millions.
  3. courbe des perspectives psychologiques (value) en fonction des variations monétaires
  4. L'aversion pour les pertes:  Le bonheur de gagner 1 million € ne vaut pas la douleur de perdre le même montant. Psychologiquement, la perte est plus forte et marquante que le gain.  Ce trait cognitif a peut être été favorisé par l'évolution car les individus prudents survivent mieux que les curieux imprudents dans un monde préhistorique où l'erreur était mortelle. En terme de comportement économique cette aversion s'illustre dans les jeux de hasard.  Si l'on vous propose de jouer à pile ou face, avec pile qui rapporte 105€ et face qui coûte 100€?  L'accepteriez vous ? sachant que vous pouvez perdre 100€ ou en gagner 105€?  Souvent nous refusons ce type de pari car on estime que le risque de perdre 100€ ne vaut pas celui d'en gagner 105.   Dans le contexte rationnel économique, un tel comportement est illogique.  Car mathématiquement, en jouant plusieurs fois à ce jeux (par exemple 3 fois par jours pendant un an) on pourrait gagner plusieurs milliers d'euros (3285€).



Une théorie simple mais efficace

Il aura fallu attendre le XXème siècle pour bien formuler la théorie des perspectives. Elle ne semble pourtant pas très compliquée.  Alors, pourquoi aura-t-il fallu attendre que deux apprentis économistes se mettent en marche?  Et comment expliquer son succès?
Daniel Kaheman dit lui-même qu'ils ont eu de la chance.  Leur amateurisme en économie, les a poussé à chercher une explication relativement simple. Elle ne résolvait pas tout les problèmes de prise de décisions mais cela les satisfaisaient car il ignoraient les nombreuses expériences économiques précédentes.  Ils ont donc eu la chance de trouver un juste équilibre entre simplicité et explication satisfaisante de problèmes actuels. 

D'autres théories plus précises, dans leurs explications des choix des agents rationnels, existent mais elles sont trop compliquées pour les avantages qu'elles apportent.  Les approches de Bernoulli et de Kahneman permettent d'aborder la pensée économique en progressant vers des modèles de  plus en plus compliqués et précis.  C'est pourquoi ce sont les plus enseignées.

Aucune théorie n'est parfaite.  Elles ne sont vraies que parce qu'elles nous arrangent et parce qu'elles répondent à des problèmes contemporains.  
Par contre, on peut parier sans risque de se tromper que nos belles théories d'aujourd'hui ne répondront jamais à toutes les questions que nous pourrions nous poser. 




Je ne me suis jamais privé de donner mon temps aux sciences

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Après soixante-douze années de réflexion sans jour de trêve

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Omar Khayyám (1048- 1131)

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